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2021
KubaParis
It’s no skin off my nose!
Location
Studio Jacques ParisDate
11.11 –13.11.2021Curator
FirstlaidPhotography
Jesse WallaceSubheadline
Solo exhibition of Brieuc REMY’s soft pastel paintings organised by Firstlaid (publishing house) in Paris, nov 2021.Text
It’s no skin off my nose!
C’est un monde de chiens. Un dédale de pots d’échappements, de voies rapides, de rubans magiques, de carlingues et de finitions aéronautiques, de seins et de fesses, de replis viscéraux, de gueules profilées, de dynamismes futuristes, de halètements humides, d’extrémités léchouillantes et de petits glapisse- ments de joie. Sur un fond monochrome et sous une lumière de showroom, Brieuc Remy, peintre pastelliste, arrange la composition d’une meute halluci- née, bleue, rose, verte aux reflets translucides et chromés. En consacrant cette dernière année de production au portrait de groupe canin, il a adopté ces animaux comme des compagnons qui le suivent dans chacun de ses tableaux. Il les peint sans pinceau, en travaillant leur lustre et leur modelé dans la matière du pastel sec, concédant ses caresses aux museaux qui se forment à la surface de la toile. À force de multiplier les figures de chiens, dans ses œuvres, celles-ci sont progressivement devenues un motif pratiquement abstrait, rythmique, qui finit par occuper la totalité des compositions. La loi du cadre n’existe pas : la mêlée des bêtes foisonne de toute part et semble avoir
été capturée dans l’image par hasard.
Le chien pour Brieuc Remy est une sorte de refuge, une niche picturale à la croisée des genres. Agrément des scènes de la peinture classique et protago- niste des vies ordinaires, il est ce compagnon au regard patient, soumis et respectueux, mais dont les yeux sont toujours couverts par des oreilles farceuses. Les cabots sont désorientés, le regard du regardeur lui-même en vient à se fourvoyer. Le dessin prend des tournures abstraites, ambivalentes, voire ambiguës, à n’en plus savoir où commence et où finit le chien, si chien c’est bien encore et pas plutôt autre chose : une vessie, une lanterne, une Lamborghini, une apparition féérique ou une spatule molle. Seule, la déperlance d’une goutte d’émotion peut montrer la voie en confirmant la présence du curieux animal prêt à tendre l’oreille à toutes les fantaisies de son maître.
Teckels, lévriers, cabots lambda dont les corps ne comptent pas, mais dont les gueules expressives et incontrôlables font tout. Brieuc Remy a réduit le canidé à sa pure essence : la mine haletante, la langue baveuse, les oreilles au vent. Condensés dans ces signes élémentaires, tout juste reconnaissables, ils ne sont presque plus qu’un concept de chien. En son temps, le modernisme avait dépouillé tous les aspects superficiels de la peinture – les figures, la narration, la technicité – pour n’en garder que les composantes irréductibles – les outils, le support, le pigment, la gestuelle – et s’ingénier à les traiter comme sujets autonomes de toutes les manières possibles. Brieuc Remy, de son côté, a fait sa propre table rase. Il a trouvé dans les chiens le symbole d’un être-au-monde que résume l’expression éponyme de l’exposition : « It’s no skin off my nose », que l’on peut traduire par « je n’y peux rien », ou « ça me laisse vraiment indifférent », voire, plus sincèrement, « on s’en tamponne les truffes ».
Marilou Thiebault
Marilou Thiebault