Archive 2020 KubaParis

no one is bored, everything is boring

Héloïse Chassepot, no one is bored, everything is boring, 2020, exhibition view, Lokal-int
Héloïse Chassepot, no one is bored, everything is boring, 2020, exhibition view, Lokal-int
Héloïse Chassepot, Every Monday Morning I wish I would, 2020, oil painting and salt dough, 2020, 30 x 30 cm.
Héloïse Chassepot, Every Monday Morning I wish I would, 2020, oil painting and salt dough, 2020, 30 x 30 cm.
Héloïse Chassepot, Girls, 2020, Cake 2019, oil painting, 27 x 27 cm.
Héloïse Chassepot, Girls, 2020, Cake 2019, oil painting, 27 x 27 cm.
Héloïse Chassepot, Latte, 2020, oil painting, 25 x 25 cm.
Héloïse Chassepot, Latte, 2020, oil painting, 25 x 25 cm.
Héloïse Chassepot, untitled, 2020, acrylic spray painting, 195 x 400 cm.
Héloïse Chassepot, untitled, 2020, acrylic spray painting, 195 x 400 cm.

Location

Lokal-int, Biel

Date

30.09 –06.10.2020

Curator

Paul Paillet

Photography

Monika Kazi

Subheadline

"no one is bored, everything is boring", the title of which Héloïse Chasssepot pinched from Mark Fisher's statement. Her first solo show curated by Paul Paillet presents pictures of coffee, girls, cake and burning sun. Hope you will enjoy.

Text

« No one is bored, everything is boring » : vie quotidienne, pâte à sel et art vernaculaire L’urgence climatique, la crise économique et, particulièrement cette année, les épidémies sont autant d’événements supposés venir troubler le quotidien. Héloïse Chassepot, au sommet de l’épidémie de Coronavirus, ne sortait de son appartement londonien que pour acheter du café, les coffeeshop étant parmi les seules échoppes restées ouvertes. Plus encore que le boire, elle aime l’acheter, et sans doute faut-il voir dans cet acte de consommation le prolongement d’un geste quotidien dans un temps extraordinaire (n’y aurait-il pas un peu de Dale Cooper en Héloïse Chassepot ?) ; un moyen d’ancrage rassurant. Sortir de chez soit, marcher jusqu’à la boutique, acheter du café, le boire, sur place ou à emporter ; ce sont autant de mouvements et de décisions qui rapproche l’artiste de la myriade de travailleurs qui, chaque jour, vont à la City de Londres et qui, dans un rituel grégaire inconscient, s’arrêtent prendre leur dose de caféine. Le café est ainsi également, en quelque sorte, un signe d’appartenance sociale. Un café serré servi au comptoir d’un bar ou un café latte consommé dans un Starbucks n’a pas la même résonance sociale, et ce malgré l’universalité de cette boisson C’est sans doute de ce double constat quotidien/rituel social que procède l’exposition « No one is bored, everything is boring ». À travers « No one is bored, everything is boring », dans l’espace d’art Lokal-int, l’artiste déploie un ensemble d’oeuvres du quotidien et du cadre domestique. Éloge, ou plutôt incidence du quotidien que même une quarantaine ne peut tout à fait faire disparaître, l’exposition est le résultat d’une production lente et patiente, d’un labeur fruit de l’ennui. L’artiste propose ainsi au spectateur quatre belles peintures, la première montrant trois jeunes femmes en rose, la deuxième figurant un café latte, la troisième un gâteau et enfin la quatrième la phrase "Every Monday morning I wish I would", celle-ci encadrée de pâte à sel. Cette économie de moyen et l’ambition modeste de ces oeuvres met en avant des techniques simples et accessibles aux amateurs, dont le cadre de pâte à sel est l’exemple le plus frappant pour quiconque se rappelle de l’école maternelle ou d’un mercredi après-midi pluvieux dans les années 1990. Une oeuvre brodée ("Everything is ok"), d’un orange vibrant, qui n’est pas sans rappeler un de ces canevas à la palette psychédélique qui habillent encore certains immeubles de rapport ou quelques pavillons au toit d’ardoise, s’ajoute aux peintures et vient confirmer que « No one is bored, everything is boring » est une véritable scène de genre. À la manière d’une peinture de genre flamande du XVIIe siècle, l’exposition est le témoin de la temporalité d’une époque et de ses avatars (café, canevas…) et de l’intemporalité de la vie quotidienne et de « l’occupation », ici via des oeuvres entrant parfaitement en résonance avec le Do It yourself et l’art populaire. Le velours du café latte et ses volutes, le cake et sa crème, et le mur, enfin, décoré comme un papier peint (à mi-chemin entre une imitation du dripping de Pollock et les toiles industrielles qui habillent les murs des chaînes de café à emporter), sont autant d’oeuvres qui résonnent au plus fort dans l’intérieur imperturbable d’un être humain enraciné dans sa vie de tous les jours. Héloïse Chassepot met ici en exergue la relation entre intimité, banalité et vie quotidienne. À l’image du photographe Martin Parr, Héloïse Chassepot fait de l’art vernaculaire, né du salon, de la cuisine, du logis et du perron. Éloge ou critique de la médiocrité moutonnière et visuelle de la classe moyenne du XXIe siècle ? C’est une ambivalence qu’entretient Héloïse Chassepot. Ces gestes et ces oeuvres, qui procèdent finalement presque d’un rituel rassurant, sont pourtant d’une résilience exemplaire. Le marché du Do It yourself est en effet en pleine croissance depuis le confinement. Élie Chich — Southway Studio

Elie Chich